La sortie du livre de Bilal Tarabey, Madagascar, Dahalo, enquête sur les bandits du Grand sud, fin février 2014 est l'occasion de revenir sur un phénomène qui secoue l'île de Madagascar depuis 10 ans. Avec la crise de 2001-2002, qui voit deux candidats à la présidence contester le résultat des élections, le pays se retrouve au bord de la guerre civile. Antananarivo, la capitale, fait l'objet d'un blocus six mois durant. L'armée est divisée et de nombreux déserteurs partent rejoindre les rangs des dahalos.
Les vols de zébu : un phénomène ancien mais en augmentation
La multiplication de ces voleurs de zébus qui sillonnent en groupe le sud du pays, pillant les troupeaux et menaçant les habitants, est symptomatique de la crise économique qui frappe le pays depuis les années 70. Malgré un rebond économique depuis 2011, le chômage y est extrêmement élevé et 90 % de ses habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté selon un rapport de la Banque Mondiale de 2013. Il faut savoir que l'élevage de zébus est un élément central de l'économie malgache. Il est indispensable à l'agriculture dans un pays ou cette dernière fait vivre quatre habitants sur cinq. Il a de plus une forte valeur symbolique et suggère la richesse de celui qui en possède. Le vol de zébus n'était jusqu'à présent qu'une tradition rurale destinée à marquer le passage à l'âge adulte d'un adolescent. Il est devenu un moyen de subsistance comme un autre.
Aujourd'hui, des centaines de dahalos en bandes organisées font régner la terreur dans les « zones rouges », portions de territoire où le gouvernement ne peut exercer son autorité en raison du terrain accidenté rendant difficile toute intervention. Ainsi, selon un rapport du ministère de l'élevage publié en août 2013, 14 000 zébus avaient été volés depuis mai 2012. Face à l'inaction du gouvernement, les villageois défendent ce qui représente parfois leur unique ressource. Ils s'arment alors à leur tour pour se défendre. On assiste ainsi à des scènes de représailles : des groupes d’éleveurs tentent de récupérer leurs biens en attaquant des groupes de dahalos, provoquant des bains de sang.
En 2012, au premier week-end de septembre, des villageois en colère s’en prennent à des groupes de dahalos en réponse à des vols répétés. Soixante-sept voleurs seront tués pendant la nuit du vendredi et vingt-trois autres par la suite. Les policiers envoyés sur place furent incapables de refréner ces violences.
Le gouvernement impuissant
Pour comprendre cette situation, il est indispensable de tenir compte de ses différents facteurs. Une économie en difficulté couplée à une disponibilité accrue des armes ne peuvent manquer de provoquer une montée du banditisme. Mais cette situation ne pourrait perdurer s'il était impossible d'écouler le produit de ces vols. A cela s'ajoute l'attrait financier que représente ces rapts pour les autorités officielles : moyennant rétribution, ils facilitent la vente du butin en Europe. Ainsi, pour lutter contre les dahalos, le gouvernement préfère limiter les exportations de zébus plutôt que d'arrêter ces groupes polymorphes et sans cesse en mouvement. Il est cependant difficile de contrôler les 4828 km de littoral de l'île avec les sept patrouilleurs que possède la marine nationale. La contrebande va donc bon train.
Devant l’incapacité du gouvernement à assurer la sécurité des biens et des personnes sur son propre territoire, les habitants décident de faire justice eux-mêmes. Mais cela n'empêche pas les dahalos de se multiplier, cédant à l'appât du gain et rêvant de marcher sur les traces de bandits élevés au rang de légende vivante comme Remenabila, ennemi public numéro 1, accusé d'avoir volé plus de 1000 zébus à la tête de son groupe de voleurs.